Earthquake in Wonderland, Le Préau, Maxéville, 2009

Massinon commence la série Earthquake in Wonderland en 2007 lors d’une résidence à Dance Palace au Luxembourg. Il la poursuit au cours de son second séjour dans l’Oural à Perm où il présente une version vacillante de la célèbre image de Churchill, Roosevelt et Staline aux accords de Yalta (Ce que je vois quand tu me parles, Art Perm, 2007). Ce travail abouti en 2009 avec l’exposition au Préau où sont présentées les deux pièces maîtresses de la série L’Arc de Triomphe et La Bourse de Paris, en plein effondrement.

Extrait du catalogue d’exposition

Tremblement de terre au pays des merveilles
A arpenter les grandes villes du monde où la tranquille aisance matérielle semblait inscrite à tous les frontons de la vie, Massinon se disait que rien ne semblait pouvoir vaciller dans ces espaces, à moins, excusez du peu, d’un cataclysme naturel. C’était somme toute percevoir les soubresauts catastrophiques que la vie économique du monde entier allait provoquer… Wonderland, l’internationale des pays riches, tremble et ses habitants avec. Qu’ils détiennent un portefeuille boursier ou une carte de transport vers le travail le plus modestement payé.
Faire bouger les lignes des certitudes fait partie des intuitions de l’artiste, une pulsion de raison avant l’heure. Et avec Massinon le seuil d’alerte atteint les fondations, les murs, les toits des pavillons, les symboles de confort de tout un chacun. Les lignes se déplacent, ou rien qu’un tremblement pour se faire peur. Du semblant de semblant pour ne pas voir le vrai bougé, celui qui travaille souterrainement sans qu’on le voie venir parce qu’on n’y comprend pas grand chose ou parce qu’on n’y peut rien ? Un monde secoué, on peut le dire.
Le Palais Brognard et les écrans boursiers s’en remettront-t-ils ? Recollera-t-on les morceaux des effondrements ? Les emboîtements financiers et structurels sont déréglés et aléatoires, c’est le grand casino tournant jusqu’à l’explosion.
Ils sont là aussi, emblèmes ou gentils objets de design désincarnés, le mégaphone, le pistolet, celui des manifestations, des répressions, de l’armée solide et sculptée dans le drap et les nuques aux cheveux luisants des certitudes des dictatures. Les étendards vibrent dans les chants que l’on n’entend pas. Peu importe leur nationalité : les soldats sont inquiétants mais est-ce qu’ils ne seraient pas beaux en même temps et est-ce que nous ne serions pas prêts à envier leur élan, nous qui avons peine à nous emballer pour une solution que nous ne trouvons pas ?
Nous sommes derrière eux, nous sommes appelés à prendre du recul, un pas en arrière pour mieux penser le piège dans lequel ils pourraient tomber. Ils sont séduisants, certes, mais pourtant semblables à nous, tous pareils, aimantés comme des mouches par une parole de propagande, médusante, sans réplique.
Et regardez Churchill, Roosevelt, Staline, les grands horlogers du monde d’après guerre, qui ont fait sonner les heures : les voici, déboulonnés et oscillant avant de tomber ou alors riant d’eux mêmes et des tours joués à l’histoire …
Où en est Wonderland ? Comment tourne le grand manège désormais ? Que dire à la petite vieille en fichu et son bazar de survie offert sur le trottoir à qui passe pour voir et n’y pouvoir rien ?
La nostalgie ou l’amnésie guette : l’histoire et ses tremblements vous trouble la vue et vous secoue… Cela pourra-t-il suffire pour nous réveiller ?
– Liliane Beauquel


L’album de l’exposition Earthquake in Wonderland
L’album de l’exposition Ce que je vois quand tu me parles, Art Perm 2007
L’album de la résidence à Dance palace, Luxembourg en 2007